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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/262

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CORINNE OU L’ITALIE

temps modernes ; il était né pour agir, et il n’a pu qu’écrire : son style et ses tragédies se ressentent de cette contrainte. Il a voulu marcher par la littérature à un but politique : ce but était le plus noble de tous sans doute ; mais n’importe, rien ne dénature les ouvrages d’imagination comme d’en avoir un. Alfieri, impatienté de vivre au milieu d’une nation où l’on rencontrait des savans très-érudits et quelques hommes très-éclairés, mais dont les littérateurs et les lecteurs ne s’intéressaient pour la plupart à rien de sérieux, et se plaisaient uniquement dans les contes, dans les nouvelles, dans les madrigaux ; Alfieri, dis-je, a voulu donner à ses tragédies le caractère le plus austère. Il en a retranché les confidens, les coups de théâtre, tout, hors l’intérêt du dialogue. Il semblait qu’il voulut ainsi faire faire pénitence aux Italiens de leur vivacité et de leur imagination naturelle, il a pourtant été fort admiré, parce qu’il est vraiment grand par son caractère et par son ame, et parce que les habitans de Rome surtout applaudissent aux louanges données aux actions et aux sentimens des anciens Romains, comme si cela les regardait encore. Ils sont amateurs de l’énergie et de l’indépendance comme des beaux tableaux qu’ils possèdent dans leurs galeries. Mais