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CORINNE OU L’ITALIE

pagne, qui sait ? — À ces mots, Oswald se leva, hors de lui-même, et l’on ne peut savoir ce qu’il en serait arrivé, si le comte d’Erfeuil avait aperçu son mouvement ; mais il avait été si satisfait de sa dernière réflexion, qu’il s’en était allé là-dessus légèrement, et sur la pointe du pied, ne se doutant pas qu’il avait offensé lord Nelvil : s’il l’avait su, bien qu’il l’aimât autant qu’il pouvait aimer, il serait sûrement resté. La valeur brillante du comte d’Erfeuil contribuait plus encore que son amour-propre à lui faire illusion sur ses défauts. Comme il avait beaucoup de délicatesse dans tout ce qui tenait à l’honneur, il n’imaginait pas qu’il pût en manquer dans ce qui avait rapport à la sensibilité ; et se croyant, avec raison, aimable et brave, il s’applaudissait de son lot, et ne soupçonnait rien de plus profond dans la vie.

Aucun des sentimens qui agitaient Oswald n’avait échappé à M. Edgermond, et quand le comte d’Erfeuil fut sorti, il lui dit : — Mon cher Oswald, je pars, je vais à Naples. — Eh pourquoi si tôt, répondit lord Nelvil ? — Parce qu’il ne fait pas bon ici pour moi, continua M. Edgermond. J’ai cinquante ans, et cependant je ne suis pas sûr que je ne devinsse fou de Corinne. — Et si vous le deveniez, interrompit