Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
CORINNE OU L’ITALIE

si j’étais encore dans l’âge de choisir et d’être aimé. Adieu, mon cher ami, ne me sachez pas mauvais gré de ce que je viens de vous dire, car personne n’est plus que moi l’admirateur de Corinne, et peut-être qu’à votre âge je ne serais pas capable de renoncer à l’espérance de lui plaire. — En achevant ces mots il prit la main de lord Nelvil, la serra cordialement, et s’en alla sans qu’Oswald lui répondît un seul mot. Mais M. Edgermond comprit la cause de son silence, et satisfait du serrement de main d’Oswald qui avait répondu au sien, il partit, impatient lui-même de finir une conversation qui lui coûtait.

De tout ce qu’il avait dit, un seul mot avait frappé au cœur d’Oswald ; c’était le souvenir de sa mère et de l’attachement profond que son père avait eu pour elle. Il l’avait perdue, lorsqu’il n’avait encore que quatorze ans, mais il se rappelait avec un profond respect et ses vertus, et le caractère timide et réservé de ses vertus. — Insensé que je suis, s’écria-t-il quand il fut seul, je veux savoir quelle est l’épouse que mon père me destinait : et ne le sais-je pas, puisque je puis me retracer l’image de ma mère qu’il a tant aimée ? Que veux-je donc de plus ? Et pourquoi me tromper moi-même, en faisant semblant