Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
396
CORINNE OU L’ITALIE

retour. Ah ! sans doute que, dans les mystères de notre nature, aimer, encore aimer, est ce qui nous est resté de notre héritage céleste. Nos vertus mêmes sont souvent trop compliquées avec la vie, pour que nous puissions toujours comprendre ce qui est bien, ce qui est mieux, et quel est le sentiment secret qui nous dirige et nous égare. Je demande à mon Dieu de m’apprendre à l’adorer, et je sens l’effet de mes prières par les larmes que je répands. Mais, pour se soutenir dans cette disposition, les pratiques religieuses sont plus nécessaires que vous ne pensez ; c’est une relation constante avec la divinité ; ce sont des actions journalières sans rapport avec aucun des intérêts de la vie, et seulement dirigées vers le monde invisible. Les objets extérieurs aussi sont d’un grand secours pour la piété ; l’ame retombe sur elle-même, si les beaux-arts, les grands monumens, les chants harmonieux, ne viennent pas ranimer ce génie poétique, qui est aussi le génie religieux.

L’homme le plus vulgaire, lorsqu’il prie, lorsqu’il souffre et qu’il espère dans le ciel, cet homme, dans ce moment, a quelque chose en lui qui s’exprimerait comme Milton, comme Homère, ou comme Le Tasse, si l’éducation lui avait appris à revêtir de paroles ses pensées. Il