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CORINNE OU L’ITALIE

l’inutile : l’inutile, si l’existence n’est qu’un travail pénible pour un misérable gain. Mais si nous sommes sur cette terre en marche vers le ciel, qu’y a-t-il de mieux à faire, que d’élever assez notre ame pour qu’elle sente l’infini, l’invisible et l’éternel au milieu de toutes les bornes qui l’entourent !

Jésus-Christ laissait une femme faible, et peut-être repentante, arroser ses pieds des parfums les plus précieux ; il repoussa ceux qui conseillaient de réserver ces parfums pour un usage plus profitable : Laissez-la faire, disait-il, car je suis pour peu de temps avec vous. Hélas ! tout ce qu’il y a de bon, de sublime sur cette terre, est pour peu de temps avec nous ; l’âge, les infirmités, la mort tariront bientôt cette goutte de rosée qui tombe du ciel, et ne se repose que sur les fleurs. Cher Oswald, laissez-nous donc tout confondre, amour, religion, génie, et le soleil et les parfums, et la musique et la poésie ; il n’y a d’athéisme que dans la froideur, l’égoïsme, la bassesse. Jésus-Christ a dit : Quand deux ou trois seront rassemblés en mon nom, je serai au milieu d’eux. Et qu’est-ce, ô mon Dieu ! que d’être rassemblés en votre nom, si ce n’est jouir des dons sublimes de votre belle nature, et vous en