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CORINNE OU L’ITALIE

Tasse, et toutes les réponses qu’il reçut excitèrent vivement sa curiosité.

Il n’y avait certainement rien de plus contraire aux habitudes et aux opinions d’un Anglais que cette grande publicité donnée à la destinée d’une femme ; mais l’enthousiasme qu’inspirent aux Italiens tous les talens de l’imagination, gagne, au moins momentanément, les étrangers ; et l’on oublie les préjugés même de son pays, au milieu d’une nation si vive dans l’expression des sentimens qu’elle éprouve. Les gens du peuple à Rome connaissent les arts, raisonnent avec goût sur les statues ; les tableaux, les monumens, les antiquités, et le mérite littéraire, porté à un certain degré, sont pour eux un intérêt national.

Oswald sortit pour aller sur la place publique ; il y entendit parler de Corinne, de son talent, de son génie. On avait décoré les rues par lesquelles elle devait passer. Le peuple, qui ne se rassemble d’ordinaire que sur les pas de la fortune ou de la puissance, était là presqu’en rumeur pour voir une personne dont l’esprit était la seule distinction. Dans l’état actuel des Italiens, la gloire des beaux arts est l’unique qui leur soit permise ; et ils sentent le génie en ce genre avec une vivacité qui devrait faire naître beaucoup de grands-hommes, s’il suffisait de l’applaudisse-