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CORINNE OU L’ITALIE.

les hommes continuaient leur conversation auprès de la cheminée ; les femmes restaient dans le fond de la chambre, distribuant les tasses de thé ; et, quand l’heure du départ arrivait, elles s’en allaient avec leurs époux, prêtes à recommencer le lendemain une vie qui ne différait de celle de la veille que par la date de l’almanach et la trace des années qui venait enfin s’imprimer sur le visage de ces femmes, comme si elles avaient vécu pendant ce temps.

Je ne puis concevoir encore comment mon talent a pu échapper au froid mortel dont j’étais entourée ; car il ne faut pas se le cacher, il y a deux côtés à toutes les manières de voir : on peut vanter l’enthousiasme, on peut le blâmer ; le mouvement et le repos, la variété et la monotonie, sont susceptibles d’être attaqués et défendus par divers argumens ; on peut plaider pour la vie, et il y a cependant assez de bien à dire de la mort, ou de ce qui lui ressemble. Il n’est donc pas vrai qu’on puisse tout simplement mépriser ce que disent les gens médiocres, ils pénètrent malgré vous dans le fond de votre pensée, ils vous attendent dans les momens où la supériorité vous a causé des chagrins, pour vous dire un hé bien, tout tranquille, tout modéré en apparence, et qui est cependant le mot