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CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE IV.


IL fut donc convenu que, pour s’éloigner de l’air funeste de Rome, Corinne et lord Nelvil iraient à Venise ensemble. Ils étaient retombés dans leur silence habituel sur leurs projets futurs ; mais ils se parlaient de leur sentiment avec plus de tendresse que jamais, et Corinne évitait, aussi soigneusement que lord Nelvil, le sujet de conversation qui troublait la délicieuse paix de leurs rapports mutuels. Un jour passé avec lui était une telle jouissance ; il avait l’air de goûter avec tant de plaisir l’entretien de son amie ; il suivait tous ses mouvemens, il étudiait ses moindres désirs avec un intérêt si constant et si soutenu, qu’il semblait impossible qu’il put exister autrement, et qu’il donnât tant de bonheur, sans être lui-même heureux. Corinne puisait sa sécurité dans la félicité même qu’elle goûtait. On finit par croire, après quelques mois d’un tel état, qu’il est inséparable de l’existence, et que c’est ainsi que l’on vit. L’agi-