IL fut donc convenu que, pour s’éloigner de
l’air funeste de Rome, Corinne et lord Nelvil
iraient à Venise ensemble. Ils étaient retombés
dans leur silence habituel sur leurs projets futurs ;
mais ils se parlaient de leur sentiment
avec plus de tendresse que jamais, et Corinne
évitait, aussi soigneusement que lord Nelvil, le
sujet de conversation qui troublait la délicieuse
paix de leurs rapports mutuels. Un jour passé
avec lui était une telle jouissance ; il avait l’air
de goûter avec tant de plaisir l’entretien de son
amie ; il suivait tous ses mouvemens, il étudiait
ses moindres désirs avec un intérêt si constant
et si soutenu, qu’il semblait impossible qu’il
put exister autrement, et qu’il donnât tant de
bonheur, sans être lui-même heureux. Corinne
puisait sa sécurité dans la félicité même qu’elle
goûtait. On finit par croire, après quelques
mois d’un tel état, qu’il est inséparable de
l’existence, et que c’est ainsi que l’on vit. L’agi-