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CORINNE OU L’ITALIE.

blait se faire entendre pour consoler ceux qui souffraient. Corinne la suivait, toujours entraînée par cet irrésistible charme de la mélodie, qui ne permet de sentir aucune fatigue, et fait marcher sur la terre avec des ailes.

Les musiciens s’arrêtèrent devant la colonne Antonine et devant la colonne Trajane, ils saluèrent ensuite l’obélisque de Saint-Jean-de-Latran et chantèrent en présence de chacun de ces édifices : le langage idéal de la musique s’accordait dignement avec l’expression aussi idéale des monumens ; l’enthousiasme régnait seul dans la ville pendant le sommeil de tous les intérêts vulgaires. Enfin, la troupe des chanteurs s’éloigna et laissa Corinne seule auprès du Colisée. Elle voulut entrer dans son enceinte pour y dire adieu à Rome antique. Ce n’est pas connaître l’impression du Colisée que de ne l’avoir vu que de jour ; il y a dans le soleil d’Italie un éclat qui donne à tout un air de fête ; mais la lune est l’astre des ruines. Quelquefois, à travers les ouvertures de l’amphithéâtre qui semble s’élever jusqu’aux nues, une partie de la voûte du ciel parait comme un rideau d’un bleu sombre placé derrière l’édifice. Les plantes qui s’attachent aux murs dégradés et croissent dans