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CORINNE OU L’ITALIE.

plaisanterie, l’insouciance au désir de plaire et la grâce au despotisme, semblait régner sur la destinée autant que sur les cœurs ; et quand elle monta sur le trône, elle sourit à ses sujets en leur ordonnant la soumission avec une douce arrogance. Tous les spectateurs se levèrent pour applaudir Corinne comme la véritable reine. Ce moment était peut-être celui de sa vie où la crainte de la douleur avait été le plus loin d’elle, mais tout à coup elle vit Oswald qui, ne pouvant plus se contenir, cachait sa tête dans ses mains pour dérober ses larmes. À l’instant elle se troubla, et la toile n’était pas encore baissée, que, descendant de ce trône déjà funeste, elle se précipita dans la chambre voisine.

Oswald l’y suivit, et quand elle remarqua de près sa pâleur, elle fut saisie d’un tel effroi, qu’elle fut obligée de s’appuyer contre la muraille pour se soutenir ; et, tremblante, elle lui dit : — Oswald ! ô mon Dieu ! qu’avez-vous ? — Il faut que je parte cette nuit pour l’Angleterre, lui répondit-il, sans savoir ce qu’il faisait ; car il ne devait pas exposer sa malheureuse amie, en lui apprenant ainsi cette nouvelle. Elle s’avança vers lui tout-à-fait hors d’elle-même, et s’écria : — Non ! il ne se peut pas que vous me causiez cette douleur ! Qu’ai-je fait pour la mériter ? Vous m’em-