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CORINNE OU L’ITALIE.

devenue la voix qui répondait à la sienne, et le cœur de père qui palpitait en revoyant son fils ! Lord Nelvil resta plongé dans des méditations profondes. — Ô destinée humaine, s’écria-t-il, le visage baigné de pleurs, que voulez-vous de nous ! Tant de vie pour périr, tant de pensées pour que tout cesse ! Non, non, il m’entend, mon unique ami, il est présent ici même, à mes larmes, et nos ames immortelles s’attendent. Ô mon père ! ô mon Dieu ! guidez-moi dans la vie. Elles ne connaissent pas ni les indécisions, ni les repentirs, ces ames de fer qui semblent posséder en elles-mêmes les immuables qualités de la nature physique ; mais les êtres composés d’imagination, de sensibilité, de conscience, peuvent-ils faire un pas sans craindre de s’égarer ! Ils cherchent le devoir pour guide ; et le devoir lui-même s’obscurcit à leurs regards, si la divinité ne le révèle pas au fond du cœur. —

Le soir, Oswald alla se promener dans l’allée favorite de son père ; il suivit son image à travers les arbres. Hélas ! qui n’a pas espéré quelquefois, dans l’ardeur de ses prières, qu’une ombre chérie nous apparaîtrait ; qu’un miracle enfin s’obtiendrait à force d’aimer ! Vaine espérance ! avant le tombeau nous ne saurons rien. In-