CORINNE retourna chez elle dans un état de
douleur qui troublait sa raison, et dès ce moment
ses forces furent pour jamais affaiblies.
Elle résolut d’écrire à lord Nelvil pour lui
apprendre, et son arrivée en Angleterre, et tout
ce qu’elle avait souffert depuis qu’elle y était.
Elle commença cette lettre d’abord remplie des
plus amers reproches, et puis elle la déchira.
— Que signifient les reproches en amour, s’écria-t-elle ;
ce sentiment serait-il le plus intime,
le plus pur, le plus généreux des sentimens,
s’il n’était pas en tout involontaire ! Que ferai-je
donc avec mes plaintes ? Une autre voix, un
autre regard ont le secret de son ame ; tout n’est-il
donc pas dit ? — Elle recommença sa lettre,
et cette fois elle voulut peindre à lord Nelvil la
monotonie qu’il pourrait trouver dans son union
avec Lucile. Elle essayait de lui prouver que,
sans une parfaite harmonie de l’ame et de l’esprit,