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CORINNE OU L’ITALIE.

trouva près de la rivière ; elle entendit là tout à la fois la musique de la fête et le murmure des eaux. La lueur des lampions du bal se réfléchissait d’en haut jusqu’au milieu de la rivière, tandis que le pâle reflet de la lune éclairait seul les campagnes désertes de l’autre rive. On eut dit que dans ces lieux, comme dans la tragédie de Hamlet, les ombres erraient autour du palais où se donnaient les festins.

L’infortunée Corinne, seule, abandonnée, n’avait qu’un pas à faire pour se plonger dans l’éternel oubli. — Ah ! s’écria-t-elle, si demain, lorsqu’il se promènera sur ces bords avec la bande joyeuse de ses amis, ses pas triomphans se heurtaient contre les restes de celle qu’une fois pourtant il a aimée, n’aurait-il pas une émotion qui me vengerait, une douleur qui ressemblerait à ce que je souffre ? Non, non, reprit-elle, ce n’est pas la vengeance qu’il faut chercher dans la mort, mais le repos. — Elle se tut, et contempla de nouveau cette rivière qui coulait si vite et néanmoins si régulièrement, cette nature si bien ordonnée, quand l’ame humaine est toute en tumulte ; elle se rappela le jour où lord Nelvil se précipita dans la mer pour sauver un vieillard. — Qu’il était bon alors ! s’écria Corinne ; hélas ! dit-elle en pleurant,