Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/377

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elle se sentit comme une personne condamnée à mort, mais qui ne sait pas encore quand sa sentence sera exécutée ; et depuis ce moment la résignation du désespoir fut le seul sentiment de son ame.

Le comte d’Erfeuil entra dans sa chambre ; il la trouva plus pâle encore que quand elle était évanouie, et lui demanda de ses nouvelles avec anxiété. — Je ne suis pas plus mal, je voudrais partir après demain qui est dimanche, dit-elle avec solennité, j’irai jusqu’à Plymouth, et je m’embarquerai pour l’Italie. — Je vous accompagnerai, répondit vivement le comte d’Erfeuil, je n’ai rien qui me retienne en Angleterre. Je serai enchanté de faire ce voyage avec vous. — Vous êtes bon, reprit Corinne, vraiment bon, il ne faut pas juger sur les apparences....... puis s’arrêtant, elle reprit : j’accepte jusqu’à Plymouth votre appui, car je ne serais pas sûre de me guider jusques-là ; mais quand une fois on est embarqué, le vaisseau vous emmène, dans quelque état que vous soyez, c’est égal. — Elle fit signe au comte d’Erfeuil de la laisser seule, et pleura long-temps devant Dieu, en lui demandant la force de supporter sa douleur. Elle n’avait plus rien de l’impétueuse Corinne, les forces de sa puissante vie étaient épuisées, et