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CORINNE OU L’ITALIE.

monde n’a fait que perdre, au lieu d’acquérir depuis qu’elles ont cessé d’être jeunes. Lucile, par l’instinct du cœur, reconnaissait, dans l’intérêt plus vif que lord Nelvil mettait à ses propres discours, le retentissement de son affection pour Corinne ; elle baissait les yeux pour ne pas laisser voir à son époux ce qui se passait dans son ame ; et lui, ne se doutant pas qu’elle fût instruite de ses rapports avec Corinne, attribuait à la froideur du caractère de sa femme son immobile silence pendant qu’il pariait avec chaleur. Ne sachant donc à qui s’adresser pour trouver un esprit qui répondît au sien, les regrets du passé se renouvelaient plus vivement que jamais dans son ame, et il tombait dans la plus profonde mélancolie. Il écrivit au prince Castel-Forte pour avoir des nouvelles de Corinne. Sa lettre n’arriva point à cause de la guerre. Sa santé souffrait extrêmement du climat d’Angleterre, et les médecins ne cessaient de lui répéter que sa poitrine serait attaquée de nouveau s’il n’allait pas passer l’hiver en Italie ; mais il était impossible d’y songer, puisque la paix n’était pas faite entre la France et l’Angleterre. Une fois il parla devant sa belle-mère et sa femme des conseils que les médecins lui avaient donnés et de l’obstacle qui s’y opposait. —