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CORINNE OU L’ITALIE.

souvenir du malheur de son jeune favori. C’est ainsi qu’en Italie, presqu’à chaque pas, l’histoire, la poésie viennent se retracer à la mémoire, et les sites charmans qui les rappellent adoucissent tout ce qu’il y a de mélancolique dans le passé, et semblent lui conserver une jeunesse éternelle.

Oswald et Corinne traversèrent ensuite les marais pontins, campagne fertile et pestilentielle tout à la fois, où l’on ne voit pas une seule habitation, quoique la nature y semble féconde. Quelques hommes malades attèlent vos chevaux et vous recommandent de ne pas vous endormir en passant les marais : car le sommeil est là le véritable avant-coureur de la mort. Des buffles d’une physionomie tout à la fois basse et féroce traînent la charrue, que d’imprudens cultivateurs conduisent encore quelquefois sur cette terre fatale, et le plus brillant soleil éclaire ce triste spectacle. Les lieux marécageux et malsains dans le nord sont annoncés par leur effrayant aspect ; mais, dans les contrées les plus funestes du midi, la nature conserve une sérénité dont la douceur trompeuse fait illusion aux voyageurs. S’il est vrai qu’il soit très-dangereux de s’endormir en traversant les marais pontins, l’invincible penchant au sommeil qu’ils inspirent dans la chaleur est encore une des impressions