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CORINNE OU L’ITALIE.

guéri ? Quand avez-vous vu que d’être scrupuleux à votre manière servît à rien ? — Je conviens avec vous, lui dis-je, que dans votre pays à présent cela sert un peu moins qu’ailleurs ; mais avec le temps, ou par-delà le temps, tout a sa récompense. — Oui, reprit M. de Maltigues, en faisant entrer le ciel dans ses calculs. — Et pourquoi pas ? lui dis-je, l’un de nous va peut-être savoir ce qui en est. — Si c’est moi qui dois mourir, continua-t-il en riant, je suis bien sûr que je n’en saurai rien, si c’est vous, vous ne reviendrez pas pour éclairer mon ame. — En chemin je pensai que si j’étais tué par M. de Maltigues, je n’avais pris aucune précaution pour faire savoir mon sort à mon père, ni pour donner à madame d’Arbigny une partie de ma fortune à laquelle je lui croyais des droits. Pendant que je faisais ces réflexions, nous passâmes devant la maison de M. de Maltigues, et je lui demandai la permission d’y monter pour écrire deux lettres ; il y consentit : et lorsque nous continuâmes notre route pour sortir de la ville, je les lui remis et je lui parlai de madame d’Arbigny avec beaucoup d’intérêt en la lui recommandant comme à un ami que je croyais sûr. Cette preuve de confiance le toucha, car il faut observer, à la gloire de l’honnêteté, que les hommes qui professent le