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CORINNE OU L’ITALIE.

séjour des élus, nous les contemplerions dans ces demeures de gloire et de félicité ; et, près des vives couleurs dont nous composerions leur sainte auréole, nous nous trouverions effacés au milieu même de nos beaux jours, au milieu des triomphes dont nous sommes le plus éblouis. »[1]

Corinne, s’écria lord Nelvil avec une douleur déchirante, pensez-vous que c’est contre moi qu’il écrivait ces éloquentes plaintes ? — Non, non, répondit Corinne ; vous savez qu’il vous chérissait, qu’il croyait à votre tendresse ; et je tiens de vous que ces réflexions furent écrites long-temps avant que vous eussiez eu le tort que vous vous reprochez. Ecoutez plutôt, continua Corinne, en parcourant le recueil qu’elle avait encore entre les mains, écoutez ces réflexions sur l’indulgence, qui sont écrites quelques pages plus loin :

« Nous marchons dans la vie, environnés de pièges et d’un pas chancelant ; nos sens se laissent séduire par des amorces trompeuses ; notre imagination nous égare par de fausses lueurs ; et notre raison elle-même reçoit chaque jour de l’expérience le degré de lumière qui lui manquait et la confiance dont elle a besoin. Tant de dangers unis à une si

  1. Discours sur les devoirs des enfans envers leurs pères. Cours de Morale religieuse. Voyez la note du premier volume.