pas, en entrant, tout mon sang se glace. Ne tardassiez-vous que d’une minute, mon esprit s’est déjà égaré dans mille folles et poignantes conjectures ; et quand vous paraissez, quoiqu’à votre vue une mer de joie inonde mon âme, quoique le premier bruit de vos pas ait fait évanouir comme un songe ces fatales chimères, mes mains tremblantes qui pressent les vôtres, les battements précipités de mon cœur, ces larmes brûlantes qui s’échappent par torrents de mes yeux, tout cela vous dit à la fois le bonheur que j’ai de vous voir et la crainte que j’ai eue de vous perdre.
Et quelle est la cause de tant de tourments ? l’excès de ma tendresse, sans doute, mais bien plus encore ce voile de contrainte et d’incertitude qui couvre notre félicité. Nous devons être unis par des liens indissolubles ; mais nous ne le sommes pas ; mille événements peuvent nous séparer. Et qui ne sait que, pour une âme tendre, la simple possibilité d’un si grand malheur suffit pour empoisonner la certitude des plus douces jouissances ? Soyons donc unis, puisque nous devons l’être ; soyez à moi aux yeux de l’univers ; ha-