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admettent une entité distincte. Fridugise et Rémy d’Auxerre (IXes), Gerbert (Xes), Odon de Tournai (XIes).), Guillaume de Champeaux, Adhélard de Bath, Gauthier de Mortagne, Gilbert de la Porrée (XIIes), sont les principaux représentants de cette nuance du réalisme. — Les autres, se rattachant directement à J. Scot Erigène, prétendent qu’il n’existe qu’un seul être sous des formes diverses, Dieu, qui suivant l’expression typique du philosophe palatin „court en toutes choses“[1]. Aussi bien le panthéisme est l’aboutissant logique et nécessaire du réalisme, comme déjà Abélard l’a montré. Car, si les attributs des objets réels se mesurent sur les attributs des objets conçus, il faut reporter dans l’ordre de la nature, non seulement le genre et l’espèce, mais encore l’être dans sa détermination la plus générale. Pendant longtemps le panthéisme ne fut représenté que par Scot Érigène, mais il bénéficia d’une recrudescence caractéristique durant les trois derniers quarts du XIIe siècle. Le panthéisme du XIIe siècle marque le déclin d’une idée. De l’évolution organique et décadente d’un même principe viennent à naître successivement le panthéisme métaphysique de Thiéry de Chartres, le panthéisme mystique de Bernard de Chartres, le panthéisme profanateur de Guillaume de Conches, Joachim de Floris, Amaury de Bènes, enfin le panthéisme matérialiste de David de Dinant, le plus vil, le plus abject, qui est tombé sous le poids de ses propres excès.

Vis-à-vis des réalistes se dressent de bonne heure des contradicteurs nombreux. Il est une thèse sur laquelle tous sont d’accord et qu’ils affirment hautement en se réclamant d’Aristote et du bon sens, à savoir  : „il n’existe que des individus dans la nature“. — Reprenant l’alternative posée par Porphyre, ils tiennent que les universaux sont des fictions de l’esprit (nuda intellecta) et non des choses (subsistentia). Quant aux prétendues essences universelles qui hantent le cerveau des érigéniens, ce ne sont que de vaines chimères.

Nous n’avons qu’un nom pour désigner tout ce groupe de

  1. Scot fait dériver θεός, Dieu, de θέῶ, courir.