Page:De la Houssaye - Les petits soldat.djvu/5

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en voiture, Gustave harassait Bob et le faisait courir pendant des demi-heures autour de la cour. Si le maitre voulait un fruit au haut d’un arbre, c’était à Bob qu’il donnait l’ordre d’aller le lui chercher, et si les choses n’allaient pas à sa fantaisie du petit tyran notre négrillon était sûr de recevoir une volée. Il allait quelquefois se plaindre à sa mère et alors, celle-ci ajoutait quelques taloches à la volée et disait à son héritier :

« Ne sais-tu pas, nègre, que le Bon Dieu t’a fait naître esclave et que tu dois tout supporter de tes maitres. »

Le jeu favori de Gustave était la guerre ou plutôt les préparatifs de guerre ; il avait formé une compagnie parmi les négrillons de l’habitation ; il prétendait leur montrer l’exercice. Lui était le capitaine de la fameuse compagnie et Bob en était le lieutenant ; tous, jusqu’au petit Adam avaient été incorporés. C’était la cour de devant, une grande cour qui s’étendait jusqu’au Bayou Teche qui était le lieu du rassemblement et là où se faisaient les exercices. Une ou deux fois, Madame Delavaine avait vu passer les petits soldats armés de gros bâtons représentant les fusils et ayant tous à leurs chapeaux une longue plume de coq ou de dinde.

Il arrivait quelquefois que Malotru suivait Bob et voulait se mêler aux exercices ; mais Gustave détestait cet horrible chien jaune de Catiche : il ne manquait jamais de le recevoir à coups de bâton et ordonnait à Adam de le ramener à la basse-cour. Un jour qu’assise sous un des gros chênes verts du bayou, Madame Delavaine lisait avec attention un journal qui venait de lui arriver de la