Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/103

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musique. Pourtant, que la Société des Grandes Auditions prenne garde !… Elle va faire de la musique de Wagner le dernier salon où l’on cause. À tout prendre, c’est agaçant, ce côté de l’art wagnérien qui a d’abord exigé de ses fidèles des pèlerinages coûteux, accompagnés de pratiques mystérieuses. Je sais bien que l’ « Art-Religion » était une des idées favorites de Wagner et qu’il avait raison, cette formule étant la meilleure pour aliéner et retenir l’imagination d’un public, mais cela a mal tourné en devenant une sorte de Religion-Luxe qui forcément en excluait beaucoup de gens plus riches en bonne volonté qu’en métal… La Société des Grandes Auditions continuant ces traditions d’exclusivisme me semble aboutir à l’ « Art-Mondain » (détestable formule). Wagner, quand il était de bonne humeur, aimait à affirmer qu’il ne serait jamais si bien compris qu’en France. Entendait-il par cela des exécutions purement aristocratiques ? Je ne le crois pas… (Le roi Louis II de Bavière l’agaçait assez déjà par des questions d’arbitraire étiquette ; sa sensibilité orgueilleuse était trop avertie pour ne pas savoir que la seule vraie gloire ne peut venir que d’une foule et non d’un public plus ou moins filtré et doré.)

On peut donc craindre que ces exécutions, dont le but avoué est la diffusion de l’art wagnérien, ne servent qu’à l’éloigner de la sympathie des foules,