Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/130

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sur un piano, le consciencieux vieil homme, accomplissant une besogne d’anonyme répétiteur… Dérange-t-on un pareil brave homme sous le futile prétexte de lui arracher des confidences ? Ne serait-ce pas aussi exorbitant que l’offre outrecuidante de se faire arracher subitement une dent ?

Vous pensez bien qu’on avait écrémé les théâtres d’Allemagne pour trouver les chanteurs dignes d’une pareille exécution ; il faudrait les citer tous… J’en détacherai pour aujourd’hui M. Van Dick qui eut la fantaisiste ironie de Loge dans l’Or du Rhin et le lyrisme passionné de Siegmund dans Walkyrie. M. Lieban, dans le rôle du nain Mime, incroyable de sournoiserie rampante, chante merveilleusement malgré cela. Ces deux hommes sont de grands artistes… Mlle Zimmermann fait presque oublier Mme Caron qui avait revêtu la figure de Sieglinde, d’un charme si angoissant. Quant aux trois filles du Rhin, je vous souhaiterai simplement de les entendre…

Le public anglais écoute avec une attention, on peut dire forcenée. S’il y a ennui, cela ne se trahit jamais ; la salle étant, d’autre part, plongée dans l’obscurité pendant la durée des actes, on peut même y dormir en toute sécurité. On applaudit seulement à la fin de chaque acte, tradition essentiellement wagnérienne ; et le docteur Richter s’en va content, insensible aux ovations, peut-être impatient d’une bière réparatrice.