Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/132

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de traiter Berlioz comme un frère et d’exécuter des volontés qui lui sont parvenues probablement d’outre-tombe.

En cela, M. Gunzbourg continue cette regrettable coutume qui veut que les chefs-d’œuvre engendrent : les commentateurs, les adaptateurs, les tripatouilleurs… race innombrable, dont les représentants naissent sans mandat bien précis, que celui d’entourer d’un brouillard de mots et d’épithètes considérables les pauvres susdits chefs-d’œuvre.

Il n’y a pas que Berlioz, hélas ! Il y a le célèbre Sourire de la Joconde, qu’une curieuse obstination étiqueta à jamais de « mystérieux »… La symphonie avec chœurs de Beethoven, laquelle prêta à des interprétations tellement surhumaines que de cette œuvre si forte et si claire on ne fit, pendant longtemps, qu’un épouvantail à public… L’œuvre entière de Wagner, dont il fallut la solidité pour qu’elle résistât à la fougue industrieuse de ses compilateurs.

Toutes ces pratiques représentent une sorte de littérature spéciale et même une profession classée qui mène à tout, à condition de n’en jamais sortir, le soin de parler des autres supprimant inévitablement celui de parler de soi-même, besogne parfois dangereuse. Par certains côtés, cela est louable ; par d’autres, il ne faut peut-être y voir qu’une insuffisance, que plus ou moins d’habileté peut rendre notoire.