Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/62

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M. A. Nikisch a l’attitude et la mèche, il y joint heureusement de plus sérieuses qualités ; en outre, son orchestre est merveilleusement discipliné, on se sent en présence de gens qui ne se préoccupent que de faire sérieusement de la musique ; ils sont graves et simples, comme les personnages d’une primitive fresque… c’est d’une rareté touchante.

M. Nikisch est un virtuose incomparable ; il apparaît même que sa virtuosité lui fait oublier ce que l’on doit au bon goût ! J’en prendrais un exemple dans son exécution de l’ouverture du Tannhæuser, où il oblige les trombones à des « ports de voix » dignes, tout au plus, de la grosse dame chargée de la sentimentalité au Casino de Suresnes, et où il fait surgir les cors à des endroits où rien ne les désignait spécialement à l’attention. Ce sont là des « effets » sans cause bien appréciable et qui étonnent du musicien averti qu’est M. A. Nikisch partout ailleurs. Avant cela, il avait prouvé la rareté de ses dons dans les Equipées de Till Eulenspiegel, de Richard Strauss. Ce morceau ressemble à « Une heure de musique nouvelle chez les fous » : des clarinettes y décrivent des trajectoires éperdues, des trompettes y sont à jamais bouchées, et les cors, prévenant un éternuement latent, se dépêchent de leur répondre poliment : « À vos souhaits » ; une grosse caisse fait des « boum-boum » qui semblent souligner le coup de pied des clowns ; on a envie