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Page:Debussy - Monsieur Croche, 1921.djvu/68

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tilement le nombre et laisser se développer ce goût pour la musique ennuyeuse qui nous vient des « néo-wagnériens » et qui pourrait nous faire l’amabilité de retourner en son pays d’origine.

M. Massenet, par ses dons uniques et sa facilité, pouvait beaucoup contre ce déplorable mouvement. — Il n’est pas toujours bon de hurler avec les loups. C’est un conseil qu’aurait pu lui donner, il me semble, la moins fine de ses belles écouteuses.

Massenet fut le plus réellement aimé des musiciens contemporains. C’est d’ailleurs bien cet amour que l’on a eu pour Massenet qui lui créa du même coup la situation particulière qu’il n’a cessé d’occuper dans le monde musical.

Ses confrères lui pardonnèrent mal ce pouvoir de plaire qui est proprement un don. À vrai dire, ce don n’est pas indispensable, surtout en art, et l’on peut affirmer, entre autres exemples, que jamais Jean-Sébastien Bach ne plut, dans le sens que ce mot prend lorsqu’il s’agit de Massenet. A-t-on entendu dire des jeunes modistes qu’elles fredonnaient la Passion selon saint Mathieu ? Je ne le crois pas. Tandis que tout le monde sait qu’elles s’éveillent le matin en chantant Manon ou Werther. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est là une gloire charmante qu’envieront secrètement plus d’un de ces grands puristes qui n’ont pour réchauffer leur cœur que le respect un peu laborieux des cénacles.