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MOLL FLANDERS

sommes mariés, n’est-il pas temps que vous sachiez si vous avez épousé une femme qui a quelque chose ou qui n’a rien.

— Ce sera au moment que vous voudrez, mon cœur, dit-il ; pour moi, mon désir est satisfait, puisque j’ai la femme que j’aime ; je ne vous ai pas beaucoup tourmentée, dit-il, par mes questions là-dessus.

— C’est vrai, dis-je, mais je trouve une grande difficulté dont je puis à peine me tirer.

— Et laquelle, mon cœur ? dit-il.

— Eh bien, dis-je, voilà ; c’est un peu dur pour moi, et c’est plus dur pour vous : on m’a rapporté que le capitaine X… (le mari de mon amie) vous a dit que j’étais bien plus riche que je n’ai jamais prétendu l’être, et je vous assure bien qu’il n’a pas ainsi parlé à ma requête.

— Bon, dit-il, il est possible, que le capitaine X… m’en ait parlé, mais quoi ? Si vous n’avez pas autant qu’il m’a dit, que la faute en retombe sur lui ; mais vous ne m’avez jamais dit ce que vous aviez, de sorte que je n’aurais pas de raison de vous blâmer, quand bien même vous n’auriez rien du tout.

— Voilà qui est si juste, dis-je, et si généreux, que je suis doublement affligée d’avoir si peu de chose.

— Moins vous avez, ma chérie, dit-il, pire pour nous deux ; mais j’espère que vous ne vous affligez point de crainte que je perde ma tendresse pour vous, parce que vous n’avez pas de dot ; non, non, si vous n’avez rien, dites-le moi tout net ; je pourrai peut-être dire au capitaine qu’il m’a dupé, mais jamais je ne pourrai vous accuser, car ne m’avez-vous pas fait entendre que vous