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MOLL FLANDERS

somme je ne pouvais en dire plus long et que je la suppliais de ne pas insister.

Elle fut frappée de stupeur à ces mots, et ne sut que dire ni penser ; puis écartant la supposition, et feignant de la regarder comme une tactique, elle continua à m’importuner au sujet de son fils, afin de combler, s’il était possible, la brèche qui s’était faite entre nous. Pour cela, lui dis-je, c’était à la vérité un excellent dessein sur sa part, mais il était impossible qu’elle pût y réussir ; et que si je lui révélais la vérité de ce qu’elle désirait, elle m’accorderait que c’était impossible, et cesserait de le désirer. Enfin je parus céder à son importunité, et lui dis que j’osais lui confier un secret de la plus grande importance, et qu’elle verrait bientôt qu’il en était ainsi ; et que je consentirais à le loger dans son cœur, si elle s’engageait solennellement à ne pas le faire connaître à son fils sans mon consentement.

Elle mit longtemps à me promettre cette partie là, mais plutôt que de ne pas entendre le grand secret, elle jura de s’y accorder, et après beaucoup d’autres préliminaires je commençai et lui dis toute l’histoire. D’abord, je lui dis combien elle était étroitement mêlée à la malheureuse rupture qui s’était faite entre son fils et moi, par m’avoir raconté sa propre histoire, et me dit le nom qu’elle portait à Londres ; et que la surprise où elle avait vu que j’étais, m’avait saisie à cette occasion ; puis je lui dis ma propre histoire, et mon nom, et l’assurai, par tels autres signes qu’elle ne pouvait méconnaître, que je n’étais point d’autre, ni plus ni moins, que sa propre enfant, sa fille, née de son corps dans la prison de Newgate ; la même qui l’avait sauvée de la potence parce