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MOLL FLANDERS

mais au fort, de façon maladroite, car rien ne m’était plus effrayant que ses caresses, et l’appréhension de devenir de nouveau grosse de lui était près de me jeter dans des accès ; et voilà qui me faisait voir qu’il y avait nécessité absolue de lui révéler le tout sans délai, ce que je fis toutefois avec toute la précaution et la réserve qu’on peut s’imaginer.

Il avait continué dans son changement de conduite à mon égard depuis près d’un mois, et nous commencions à vivre d’un nouveau genre de vie l’un avec l’autre, et si j’avais pu me satisfaire de cette position, je crois qu’elle aurait pu durer tant que nous eussions vécu ensemble. Un soir que nous étions assis et que nous causions tous deux sous une petite tonnelle qui s’ouvrait sous un bosquet à l’entrée du jardin, il se trouva en humeur bien gaie et agréable, et me dit quantité de choses tendres qui se rapportaient au plaisir que lui donnait notre bonne entente, et les désordres de notre rupture de jadis, et quelle satisfaction c’était pour lui que nous eussions lieu d’espérer que jamais plus il ne s’élèverait rien entre nous.

Je tirai un profond soupir, et lui dis qu’il n’y avait femme du monde qui pût être plus charmée que moi de la bonne entente que nous avions conservée, ou plus affligée de la voir rompre, mais que j’étais fâchée de lui dire qu’il y avait dans notre cas une circonstance malheureuse qui me tenait de trop près au cœur et que je ne savais comment lui révéler, ce qui rendait mon rôle fort misérable, et m’ôtait toute jouissance de repos.

Il m’importuna de lui dire ce que c’était ; je lui répondis que je ne saurais le faire ; que tant que le secret