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MOLL FLANDERS

Et là-dessus il tire un grand rideau qui s’étendait tout au travers de la chambre, et qui séparait les lits en effet.

— Eh bien, dit mon ami, très au point, ces lits feront l’affaire ; pour le reste, nous sommes trop proches parents pour coucher ensemble, quoique nous puissions loger l’un près de l’autre.

Et ceci jeta sur toute la chose une sorte d’apparence d’honnêteté. Quand nous en vînmes à nous mettre au lit il sortit décemment de la chambre, jusqu’à ce que je fusse couchée, et puis se mit au lit dans l’autre lit, d’où il me parla, s’étant étendu, assez longtemps.

Enfin, répétant ce qu’il disait d’ordinaire, qu’il pouvait se mettre au lit tout nu avec moi, sans me faire le moindre outrage, il saute hors de son lit :

— Et maintenant, ma chérie vous allez voir combien je vais être juste pour vous, et que je sais tenir parole.

Et le voilà venir jusqu’à mon lit.

Je fis quelque résistance, mais je dois avouer que je ne lui eusse pas résisté beaucoup, même s’il n’eût fait nulle de ces promesses ; si bien qu’après une petite lutte, je restai tranquille, et le laissai entrer dans le lit ; quand il s’y fut couché, il m’entoura de ses bras, et ainsi je couchai toute la nuit près de lui ; mais il ne me fit rien de plus ou ne tenta rien d’autre que de m’embrasser, dis-je, dans ses bras, non vraiment, et de toute la nuit ; mais se leva et s’habilla le matin, et me laissa aussi innocente pour lui que le jour où je fus née…

J’accorde que c’était là une noble action, mais comme c’était ce que je n’avais jamais vu avant, ainsi me plongea-t-elle dans une parfaite stupeur. Nous fîmes le reste du voyage dans les mêmes conditions qu’avant, et nous