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MOLL FLANDERS

cesse un prétexte ou l’autre pour m’échapper et remettre la signature ; jusque enfin je prétendis qu’il me fallait écrire à mon frère avant de rien faire.

En comptant cette rentrée et avant d’avoir obtenu les dernières 50 £, je trouvai que ma fortune se montait tout compris, à environ 400 £ ; de sorte qu’avec cette somme je possédais plus de 450 £. J’aurais pu économiser 100 £ de plus, si je n’avais rencontré un malheur qui fut celui-ci : l’orfèvre à qui je les avais confiées fit banqueroute, de sorte que je perdis 70 £ de mon argent, l’accommodement de cet homme n’ayant pas donné plus de 30 p. 100. J’avais un peu d’argenterie mais pas beaucoup, et j’étais assez bien garnie d’habits et de linge.

Avec ce fonds j’avais à recommencer la vie dans ce monde ; mais il faut bien penser que je n’étais plus la même femme que lorsque je vivais à Rotherhithe ; car en premier lieu j’étais plus vieille de près de vingt ans et je n’étais nullement avantagée par ce surcroît d’années, ni par mes pérégrinations en Virginie, aller et retour, et quoique n’omettant rien qui pût me rehausser sinon de me peindre, à quoi je ne m’abaissai jamais, cependant on verra toujours quelque différence entre une femme de vingt-cinq ans et une femme qui en a quarante-deux.

Je faisais d’innombrables projets pour mon état de vie futur, et je commençai à réfléchir très sérieusement à ce que je ferais, mais rien ne se présentait. Je prenais bien garde à ce que le monde me prît pour plus que je n’étais, et je faisais dire que j’étais une grande fortune et que mes biens étaient entre mes mains : la dernière chose était vraie, la première comme j’ai dit. Je n’avais pas de connaissances, ce qui était une de mes pires in-