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MOLL FLANDERS

de la manière de parvenir à mon but par des moyens directs ; j’avais besoin d’être placée dans une condition d’existence sûre, et si je me fusse trouvée rencontrer un bon mari sobre, je lui eusse été femme aussi fidèle que la vertu même eût pu la former. Si j’avais agi différemment, c’est que le vice était toujours entré par la porte de la nécessité, non par la porte de l’inclination, et je comprenais trop bien par le manque que j’en avais la valeur d’une vie tranquillement établie, pour faire quoi que ce fût qui pût en aliéner la félicité ; oui, et j’aurais fait une meilleure femme pour toutes les difficultés que j’avais traversées, oh ! infiniment meilleure : et jamais, en aucun temps que j’avais été mariée, je n’avais donné à mes maris la moindre inquiétude sur le sujet de ma conduite.

Mais tout cela n’était rien ; je ne trouvais point de perspective encourageante ; j’attendais ; je vivais régulièrement, et avec autant de frugalité que le comportait ma condition ; mais rien ne se présentait, et mon capital diminuait à vue d’œil ; je ne savais que faire ; la terreur de la pauvreté qui s’approchait pesait gravement sur mes esprits : j’avais un peu d’argent, mais je ne savais où le placer, et l’intérêt n’en suffirait pas à m’entretenir, au moins à Londres.

À la fin une nouvelle scène s’ouvrit. Il y avait dans la maison où je logeais une dame des provinces du Nord et rien n’était plus fréquent dans ses discours que l’éloge qu’elle faisait du bon marché des provisions et de la facile manière de vivre dans son pays ; combien tout était abondant et à bas prix, combien la société y était agréable, et d’autres choses semblables ; jusque enfin je