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MOLL FLANDERS

tendre, mais je ne le voulus point, et lui recommandai à haute voix de revenir me chercher à neuf heures ; mais il s’y refusa, et me dit qu’il désirait me reconduire jusque chez moi, ce dont je ne fus pas très charmée, supposant qu’il n’avait d’autre intention que de savoir où je demeurais et de s’enquérir de mon caractère et de ma condition ; pourtant je m’y risquai ; car tout ce que les gens de là-bas savaient de moi n’était qu’à mon avantage et tous les renseignements qu’il eût sur moi furent que j’étais une femme de fortune et une personne bien modeste et bien sobre ; qu’ils fussent vrais ou non, vous pouvez voir combien il est nécessaire à toutes femmes qui sont à l’affût dans le monde de préserver la réputation de leur vertu, même quand par fortune elles ont sacrifié la vertu elle-même.

Je trouvai, et n’en fus pas médiocrement charmée, qu’il avait préparé un souper pour moi ; je trouvai aussi qu’il vivait fort grandement, et qu’il avait une maison très bien garnie, ce qui me réjouit, en vérité, car je considérais tout comme étant à moi.

Nous eûmes maintenant une seconde conférence sur le même sujet que la dernière ; il me serra vraiment de très près ; il protesta de son affection pour moi, et en vérité je n’avais point lieu d’en douter ; il me déclara qu’elle avait commencé dès le premier moment que je lui avais parlé et longtemps avant que je lui eusse dit mon intention de lui confier mon bien. « Peu importe le moment où elle a commencé, pensai-je, pourvu qu’elle dure, tout ira assez bien. » Il me dit alors combien l’offre que je lui avais faite de lui confier ma fortune l’avait engagé. « Et c’était bien l’intention que j’avais,