Aller au contenu

Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
MOLL FLANDERS

la maison d’un de ses oncles où nous serions royalement entretenues ; et son oncle, comme elle l’appelait, nous fit chercher dans un carrosse à quatre chevaux, qui nous emmena à près de quarante lieues je ne sais où.

Nous arrivâmes cependant à la maison de campagne d’un gentilhomme, où se trouvaient une nombreuse famille, un vaste parc, une compagnie vraiment extraordinaire et où on l’appelait « cousine » ; je lui dis que si elle avait résolu de m’amener en de telles compagnies, elle eût dû me laisser emporter de plus belles robes ; mais les dames relevèrent mes paroles, et me dirent avec beaucoup de grâce que dans leur pays on n’estimait pas tant les personnes à leurs habits qu’à Londres ; que leur cousine les avait pleinement informées de ma qualité, et que je n’avais point besoin de vêtements pour me faire valoir ; en somme elles ne m’entretinrent pas pour ce que j’étais, mais pour ce qu’elles pensaient que je fusse, c’est à dire une dame veuve de grande fortune.

La première découverte que je fis là fut que la famille se composait toute de catholiques romains, y compris la cousine ; néanmoins personne au monde n’eût pu tenir meilleure conduite à mon égard, et on me témoigna la même civilité que si j’eusse été de leur opinion. La vérité est que je n’avais pas tant de principes d’aucune sorte que je fusse bien délicate en matière de religion ; et tantôt j’appris à parler favorablement de l’Église de Rome ; je leur dis en particulier que je ne voyais guère qu’un préjugé d’éducation dans tous les différends qu’il y avait parmi les chrétiens sur le sujet de la religion, et que s’il se fût trouvé que mon père eût été catholique