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MOLL FLANDERS

100 £, et que c’était tout ce que j’avais au monde ; et comment cela s’accorderait-il avec cette prétention que je suis une fortune, dis-je, que je sois venue avec vous dans le nord de l’Angleterre dans la seule intention de vivre à bon marché ?

Sur ces paroles que je criai avec chaleur et à haute voix, mon mari entra dans la chambre, et je le priai d’entrer et de s’asseoir, parce que j’avais à dire devant eux deux une chose d’importance, qu’il était absolument nécessaire qu’il entendît.

Il eut l’air un peu troublé de l’assurance avec laquelle je semblais parler, et vint s’asseoir près de moi, ayant d’abord fermé la porte ; sur quoi je commençai, car j’étais extrêmement échauffée, et, me tournant vers lui :

— J’ai bien peur, dis-je, mon ami (car je m’adressai à lui avec douceur), qu’on ait affreusement abusé de vous et qu’on vous ait fait un tort qui ne pourra point se réparer, en vous amenant à m’épouser ; mais comme je n’y ai aucune part, je demande à être quitte de tout blâme, et qu’il soit rejeté là où il est juste qu’il tombe, nulle part ailleurs, car pour moi, je m’en lave entièrement les mains.

— Quel tort puis-je avoir éprouvé, ma chérie, dit-il, en vous épousant ? J’espère que de toutes manières j’en ai tiré honneur et avantage.

— Je vous l’expliquerai tout à l’heure, lui dis-je, et je crains que vous n’ayez trop de raison de vous juger fort maltraité ; mais je vous convaincrai, mon ami, dis-je encore, que je n’y ai point eu de part.

Il prit alors un air d’effarement et de stupeur, et commença, je crois, de soupçonner ce qui allait suivre ; pour-