Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
MOLL FLANDERS

remords pour le traitement qu’elle lui avait fait subir, sitôt qu’elle avait appris qu’il avait gagné son point, s’était bien misérablement ôté la vie le soir même.

Il s’exprimait fort honnêtement sur la part qu’il pouvait avoir dans son désastre, mais s’éclaircissait d’y avoir prêté la main, affirmant qu’il n’avait fait que se rendre justice en un cas où il avait été notoirement insulté et bafoué ; toutefois il disait en être fort affligé, et qu’il ne lui restait de vue de satisfaction au monde que dans l’espoir où il était que je voudrais bien venir le réconforter par ma compagnie ; et puis il me pressait très violemment en vérité, de lui donner quelques espérances, et me suppliait de venir au moins en ville, et de souffrir qu’il me vît, à quelle occasion il me parlerait plus longuement sur ce sujet.

Je fus extrêmement surprise par cette nouvelle, et commençai maintenant sérieusement de réfléchir sur ma condition et sur l’inexprimable malheur qui m’arrivait d’avoir un enfant sur les bras, et je ne savais qu’en faire. Enfin, je fis une allusion lointaine à mon cas devant ma gouvernante. Je parus mélancolique pendant plusieurs jours, et elle m’attaquait sans cesse pour apprendre ce qui m’attristait ; je ne pouvais pour ma vie lui dire que j’avais une proposition de mariage après lui avoir si souvent répété que j’avais un mari, de sorte que vraiment je ne savais quoi lui dire ; j’avouai qu’il y avait une chose qui me tourmentait beaucoup, mais en même temps je lui dis que je ne pouvais en parler à personne au monde.

Elle continua de m’importuner pendant plusieurs jours, mais il m’était impossible, lui dis-je, de confier mon secret à quiconque. Ceci, au lieu de lui servir de