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MOLL FLANDERS

qui n’étaient point des honnêtes que j’avais rencontrés chez elle autrefois.

Ce ne fut pas longtemps que je le découvris encore plus clairement qu’auparavant ; car, de temps à autre, je voyais apporter des poignées de sabre, des cuillers, des fourchettes, des pots et autres objets semblables, non pour être engagés, mais pour être vendus tout droit ; et elle achetait tout sans faire de questions, où elle trouvait assez son compte, ainsi que je trouvai par son discours.

Je trouvai ainsi qu’en suivant ce métier, elle faisait toujours fondre la vaisselle d’argent qu’elle achetait, afin qu’on ne pût la réclamer ; et elle vint me dire un matin qu’elle allait mettre à fondre, et que si je le désirais, elle y joindrait mon pot, afin qu’il ne fût vu de personne ; je lui dis : « De tout mon cœur. » Elle le pesa donc et m’en donna la juste valeur en argent, mais je trouvai qu’elle n’en agissait pas de même avec le reste de ses clients.

Quelque temps après, comme j’étais au travail, et très mélancolique, elle commence de me demander ce que j’avais. Je lui dis que je me sentais le cœur bien lourd, que j’avais bien peu de travail, et point de quoi vivre, et que je ne savais quel parti prendre. Elle se mit à rire et me dit que je n’avais qu’à sortir encore une fois, pour tenter la fortune ; qu’il se pourrait que je rencontrasse une nouvelle pièce de vaisselle d’argent.

— Oh ! ma mère, dis-je, c’est un métier où je n’ai point d’expérience, et si je suis prise, je suis perdue du coup.

— Oui bien, dit-elle, mais je pourrais vous faire faire la connaissance d’une maîtresse d’école qui vous ferait aussi adroite qu’elle le peut être elle-même.

Je tremblai sur cette proposition, car jusqu’ici je n’avais