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MOLL FLANDERS

Et la voilà partie me raconter l’histoire.

— J’ai trouvé ton beau gentilhomme, dit elle, — et certes c’était un beau gentilhomme — mais, Dieu ait pitié de lui, — il est maintenant dans une triste passe ; je me demande ce que diable tu lui as fait ; ma foi, tu l’as presque tué.

Je la regardai avec assez de désordre.

— Moi le tuer ! dis-je ; vous devez vous tromper sur la personne ; je suis sûre de ne lui avoir rien fait ; il était fort bien quand je le quittai, dis-je, sinon qu’il était ivre et profondément endormi.

— Voilà ce que je ne sais point, dit-elle, mais à cette heure il est dans une triste passe ; et la voilà qui me raconte tout ce que son amie avait dit.

— Eh bien alors, dis-je, c’est qu’il est tombé dans de mauvaises mains après que je l’ai quitté, car je l’avais laissé en assez bon état.

Environ dix jours après, ma gouvernante retourne chez son amie, pour se faire introduire chez ce gentilhomme ; elle s’était enquise cependant par d’autres voies et elle avait ouï dire qu’il était remis ; si bien qu’on lui permit de lui parler.

C’était une femme d’une adresse admirable, et qui n’avait besoin de personne pour l’introduire ; elle dit son histoire bien mieux que je ne saurai la répéter, car elle était maîtresse de sa langue, ainsi que j’ai déjà dit. Elle lui conta qu’elle venait, quoique étrangère, dans le seul dessein de lui rendre service, et qu’il trouverait qu’elle ne venait point à une autre fin ; qu’ainsi qu’elle arrivait simplement à titre si amical, elle lui demandait la promesse que, s’il n’acceptait pas ce qu’elle propose-