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MOLL FLANDERS

L’autre homme, qu’on appelait M. Anthony, répliqua :

— M… peut dire ce qu’il lui plaît, et jurer ce qui lui plaît ; mais voilà la femme, et voilà ce qui reste du satin qu’elle a volé ; je l’ai tiré de dessous ses jupes avec ma propre main.

Je commençai maintenant à prendre un peu de cœur, mais souris et ne dis rien ; le maître devint pâle ; le commissaire se retourna et me regarda.

— Allez, monsieur le commissaire, dis-je, laissez donc faire, allez !

Le cas était clair et ne pouvait être nié, de sorte qu’on remit entre les mains du commissaire la véritable voleuse, et le mercier me dit fort civilement qu’il était fâché de l’erreur, et qu’il espérait que je ne la prendrais point en mauvaise part ; qu’on leur jouait tous les jours tant de tours de cette nature, qu’il ne fallait point les blâmer s’ils mettaient autant d’exactitude à se rendre justice.

— Ne point la prendre en mauvaise part, monsieur ! dis-je, et comment la pourrais-je prendre en bonne ? Si vous m’eussiez relâchée, quand votre insolent maraud m’eut saisie dans la rue, traînée jusqu’ici, et que vous reconnûtes vous-même que je n’étais pas la personne, j’aurais oublié l’affront, et je ne l’aurais nullement pris en mauvaise part, en considération des nombreux mauvais tours que je crois qu’on vous joue fort souvent ; mais la manière dont vous m’avez traitée depuis ne se saurait supporter non plus surtout que celle de votre valet ; il faut que j’en aie réparation et je l’obtiendrai.

Alors il commença de parlementer avec moi, dit qu’il me donnerait toute satisfaction raisonnable, et il aurait