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MOLL FLANDERS

mourir, malgré que je ne considérasse point non plus la mort ainsi qu’il le faudrait ; en vérité, rien ne pouvait être plus empli d’horreur pour mon imagination que le lieu même : rien ne m’était plus odieux que la société qui s’y trouvait. Oh ! si j’avais été envoyée en aucun lieu de l’univers, et point à Newgate, je me fusse estimée heureuse !

Et puis comme les misérables endurcies qui étaient là avant moi triomphèrent sur moi ! Quoi ! Mme Flanders à Newgate, enfin ! quoi, Mme Mary, Mme Molly, et ensuite Moll Flanders tout court ! Elles pensaient que le diable m’eût aidée, disaient-elles, pour avoir régné si longtemps ; elles m’attendaient là depuis bien des années, disaient-elles, et étais-je donc venue enfin ! Puis elles me souillaient d’excréments pour me railler, me souhaitaient la bienvenue en ce lieu, et que j’en eusse bien de la joie, me disaient de prendre bon courage, d’avoir le cœur fort, de ne pas me laisser abattre : que les choses n’iraient peut-être pas si mal que je le craignais et autres paroles semblables ; puis faisaient venir de l’eau-de-vie et la buvaient à ma santé ; mais mettaient le tout à mon compte ; car elles me disaient que je ne faisais que d’arriver au collège, comme elles l’appelaient, et que, sûr, j’avais de l’argent dans ma poche, tandis qu’elles n’en avaient point.

Je demandai à l’une de cette bande depuis combien de temps elle était là. Elle me dit quatre mois. Je lui demandai comment le lieu lui avait paru quand elle y était entrée d’abord. Juste comme il me paraissait maintenant, dit-elle, terrible et plein d’horreur ; et elle pensait qu’elle fût en enfer ; et je crois bien encore que j’y