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MOLL FLANDERS

menait comme une forcenée, se tordant les mains, et criant qu’elle était perdue, qu’elle pensait qu’il y eût sur elle une malédiction du ciel, qu’elle serait damnée, qu’elle avait été la ruine de toutes ses amies, qu’elle avait amené une telle et une telle, et une telle à l’échafaud ; et là elle comptait quelque dix ou onze personnes, de certaines desquelles j’ai fait mention, qui étaient venues à une fin précoce ; et qu’à cette heure elle était l’occasion de ma perte, puisqu’elle m’avait persuadée de continuer, alors que je voulais cesser. Je l’interrompis là :

— Non, ma mère, non, dis-je, ne parlez point ainsi ; car vous m’avez conseillé de me retirer quand j’eus obtenu l’argent du mercier, et quand je revins de Harwich, et je ne voulus pas vous écouter ; par ainsi vous n’avez point été à blâmer ; c’est moi seule qui me suis perdue, et qui me suis amenée à cette misère !

Et ainsi nous passions bien des heures ensemble.

Eh bien, il n’y avait point de remède ; le procès suivit son cours et le jeudi je fus transférée à la maison des assises, où je fus assignée, comme ils disent, et le lendemain, je fus appointée pour être jugée. Sur l’assignation je plaidai « non coupable », et bien le pouvais-je, car j’étais accusée de félonie et débris de clôture ; c’est à savoir d’avoir félonieusement volé deux pièces de soie de brocart, estimées à 46 £, marchandises appartenant à Anthony Johnson, et d’avoir forcé les portes ; au lieu que je savais très bien qu’ils ne pouvaient prétendre que j’eusse forcé les portes, ou seulement soulevé un verrou.

Le vendredi je fus menée au jugement. J’avais épuisé mes esprits à force de pleurer les deux ou trois jours d’avant, si bien que je dormis mieux la nuit du jeudi