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MOLL FLANDERS

tels rapports sur lui depuis qu’on lui avait accordé sa déportation, qu’il devait se juger fort bien traité de ce qu’on ne reprît pas les poursuites. Cette réponse le calma, car il savait trop bien ce qui aurait pu advenir et ce qu’il avait lieu d’attendre, et à cette heure il voyait la bonté de l’avis auquel il avait cédé d’accepter l’offre de la déportation, et après que son irritation contre ces limiers d’enfer, comme il les appelait, fut un peu passée, il prit l’air rasséréné, commença d’être joyeux, et comme je lui disais combien j’étais heureuse de l’avoir tiré une fois encore de leurs mains, il me prit dans ses bras et reconnut avec une grande tendresse que je lui avais donné le meilleur conseil qui fût possible.

— Ma chérie, dit-il, tu m’as sauvé la vie deux fois : elle t’appartient désormais et je suivrai toujours tes conseils.

Notre premier soin fut de comparer nos fonds ; il eut beaucoup d’honnêteté et me dit que son fonds avait été assez fourni quand il était entré en prison, mais que de vivre là comme il l’avait fait, en façon de gentilhomme, et, ce qui était bien plus, d’avoir fait des amis, et d’avoir soutenu son procès, lui avait coûté beaucoup d’argent, et en un mot il ne lui restait en tout que 108 £ qu’il avait sur lui en or.

Je lui rendis aussi fidèlement compte de mon fonds c’est-à-dire de ce que j’avais emporté avec moi, car j’étais résolue, quoi qu’il pût advenir, à garder ce que j’avais laissé en réserve : au cas où je mourrais, ce que j’avais serait suffisant pour lui et ce que j’avais laissé aux mains de ma gouvernante lui appartiendrait à elle, chose qu’elle avait bien méritée par ses services.