Aller au contenu

Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
MOLL FLANDERS

son sexe est en baisse sur le marché au temps présent ; et si une jeune femme a beauté, naissance, éducation, esprit, sens, bonne façon et chasteté, et tout à l’extrême, toutefois si elle n’a point d’argent, elle n’est rien ; autant vaudrait que tout lui fît défaut : l’argent seul, de nos jours, recommande une femme ; les hommes se passent le beau jeu tour à tour.

Son frère cadet, qui était là, s’écria :

— Arrête, ma sœur, tu vas trop vite ; je suis une exception à ta règle ; je t’assure que si je trouve une femme aussi accomplie, je ne m’inquiéterai guère de l’argent.

— Oh ! dit la sœur, mais tu prendras garde alors de ne point te mettre dans l’esprit une qui n’ait pas d’argent.

— Pour cela, tu n’en sais rien non plus, dit le frère.

— Mais pourquoi, ma sœur, dit le frère aîné, pourquoi cette exclamation sur la fortune ? Tu n’es pas de celles à qui elle fait défaut, quelles que soient les qualités qui te manquent.

— Je te comprends très bien, mon frère, réplique la dame fort aigrement, tu supposes que j’ai la fortune et que la beauté me manque ; mais tel est le temps que la première suffira : je serai donc encore mieux partagée que mes voisines.

— Eh bien, dit le frère cadet, mais tes voisines pourront bien avoir part égale, car beauté ravit un mari parfois en dépit d’argent, et quand la fille se trouve mieux faite que la maîtresse, par chance elle fait un aussi bon marché et monte en carrosse avant l’autre.

Je crus qu’il était temps pour moi de me retirer, et je