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Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/211

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grand feu pour rôtir de la viande, au moment où je la retirais étant cuite, je trouvai dans le foyer un tesson d’un de mes pots de terre cuit dur comme une pierre et rouge comme une tuile. Je fus agréablement surpris de voir cela, et je me dis qu’assurément ma poterie pourrait se faire cuire en son entier, puisqu’elle cuisait bien en morceaux.

Cette découverte fit que je m’appliquai à rechercher comment je pourrais disposer de mon feu pour y cuire quelques pots. Je n’avais aucune idée du four dont les potiers se servent, ni de leurs vernis, et j’avais pourtant du plomb pour en faire. Je plaçai donc trois grandes cruches et deux ou trois autres pots, en pile les uns sur les autres, sur un gros tas de cendres chaudes, et j’allumai un feu de bois tout à l’entour. J’entretins le feu sur tous les côtés et sur le sommet, jusqu’à ce que j’eusse vu mes pots rouges de part en part et remarqué qu’ils n’étaient point fendus. Je les maintins à ce degré pendant cinq ou six heures environ, au bout desquelles j’en aperçus un qui, sans être fêlé, commençait à fondre et à couler. Le sable, mêlé à la glaise, se liquéfiait par la violence de la chaleur, et se serait vitrifié si j’eusse poursuivi. Je diminuai donc mon brasier graduellement, jusqu’à ce que mes pots perdissent leur couleur rouge. Ayant veillé toute la nuit pour que le feu ne s’abattît point trop promptement, au point du jour je me vis possesseur de trois excellentes… je n’ose pas dire cruches, et deux autres pots aussi bien cuits que je pouvais le désirer. Un d’entre eux avait été parfaitement verni par la fonte du sable.

Après cette épreuve, il n’est pas nécessaire de dire que je ne manquai plus d’aucun vase pour mon usage ; mais je dois avouer que leur forme était fort insignifiante, comme