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alors d’aller visiter la chaloupe de notre navire, qui, comme je l’ai dit, avait été lancée au loin sur la rive durant la tempête lors de notre naufrage. Elle se trouvait encore à peu de chose près dans la même situation : renversée par la force des vagues et des vents, elle était presque sens dessus dessous sur l’éminence d’une longue dune de gros sable, mais elle n’était point entourée d’eau comme auparavant.

Si j’avais eu quelque aide pour le radouber et le lancer à la mer, ce bateau m’aurait suffi, et j’aurais pu retourner au Brésil assez aisément ; mais j’eusse dû prévoir qu’il ne me serait pas plus possible de le retourner et de le remettre sur fond que de remuer l’île. J’allai néanmoins dans les bois, et je coupai des leviers et des rouleaux, que j’apportai près de la chaloupe, déterminé à essayer ce que je pourrais faire, et persuadé que si je parvenais à la redresser il me serait facile de réparer le dommage qu’elle avait reçu, et d’en faire une excellente embarcation, dans laquelle je pourrais sans crainte aller à la mer.

En vérité, je n’épargnai point les peines dans cette infructueuse besogne, et j’y employai, je pense, trois ou quatre semaines environ. Enfin, reconnaissant qu’il était impossible à mes faibles forces de la soulever, je me mis à creuser le sable en dessous pour la dégager et la faire tomber ; et je plaçai des pièces de bois pour la retenir et la guider convenablement dans sa chute.

Mais quand j’eus fait cette fouille, je fus encore hors d’état de l’ébranler et de pénétrer en dessous, bien loin de pouvoir la pousser jusqu’à l’eau. Je fus donc forcé de l’abandonner ; et cependant, bien que je désespérasse de cette chaloupe, mon désir de m’aventurer sur mer pour gagner le continent augmentait plutôt qu’il ne décrois-