Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/276

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mort. Les troubles affectant l’esprit comme les souffrances affectent le corps, ils doivent être nécessairement un aussi grand empêchement que les maladies : prier Dieu est purement un acte de l’esprit.

Mais poursuivons. — Après avoir mis en sûreté une partie de ma petite provision vivante, je parcourus toute l’île pour chercher un autre lieu secret propre à recevoir un pareil dépôt. Un jour, m’avançant vers la pointe occidentale de l’île plus que je ne l’avais jamais fait et promenant mes regards sur la mer, je crus appercevoir une embarcation qui voguait à une grande distance. J’avais trouvé une ou deux lunettes d’approche dans un des coffres de matelot que j’avais sauvés de notre navire, mais je ne les avais point sur moi, et l’objet était si éloigné que je ne pus le distinguer, quoique j’y tinsse mes yeux attachés jusqu’à ce qu’ils fussent incapables de regarder plus long-temps. Était-ce ou n’était-ce pas un bateau ? je ne sais ; mais en descendant de la colline où j’étais monté, je perdis l’objet de vue et n’y songeai plus ; seulement je pris la résolution de ne plus sortir sans une lunette dans ma poche.

Quand je fus arrivé au bas de la colline, à l’extrémité de l’île, où vraiment je n’étais jamais allé, je fus tout aussitôt convaincu qu’un vestige de pied d’homme n’était pas une chose aussi étrange en ce lieu que je l’imaginais. — Si par une providence spéciale je n’avais pas été jeté sur le côté de l’île où les Sauvages ne venaient jamais, il m’aurait été facile de savoir que rien n’était plus ordinaire aux canots du continent, quand il leur advenait de s’éloigner un peu trop en haute mer, de relâcher à cette portion de mon île ; en outre, que souvent ces Sauvages se rencontraient dans leurs pirogues, se livraient des combats,