Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/393

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les Sauvages, mais en fort mauvaise passe quant à leur nécessaire, et au fait quant à leur existence. Je lui demandai toutes les particularités de leur voyage, et j’appris qu’ils avaient appartenu à un vaisseau espagnol venant de Rio de la Plata et allant à la Havane, où il devait débarquer sa cargaison, qui consistait principalement en pelleterie et en argent, et d’où il devait rapporter toutes les marchandises européennes qu’il y pourrait trouver ; qu’il y avait à bord cinq matelots portugais recueillis d’un naufrage : que tout d’abord que le navire s’étant perdu, cinq des leurs s’étaient noyés ; que les autres à travers des dangers et des hasards infinis, avaient abordé mourants de faim à cette côte cannibale, où à tout moment ils s’attendaient à être dévorés.

Il me dit qu’ils avaient quelques armes avec eux, mais qu’elles leur étaient tout-à-fait inutiles, faute de munitions, l’eau de la mer ayant gâté toute leur poudre, sauf une petite quantité qu’ils avaient usée dès leur débarquement pour se procurer quelque nourriture.

Je lui demandai ce qu’il pensait qu’ils deviendraient là, et s’ils n’avaient pas formé quelque dessein de fuite. Il me répondit qu’ils avaient eu plusieurs délibérations à ce sujet ; mais que, n’ayant ni bâtiment, ni outils pour en construire un, ni provisions d’aucune sorte, leurs consultations s’étaient toujours terminées par les larmes et le désespoir.

Je lui demandai s’il pouvait présumer comment ils accueilleraient, venant de moi, une proposition qui tendrait à leur délivrance, et si, étant touts dans mon île, elle ne pourrait pas s’effectuer. Je lui avouai franchement que je redouterais beaucoup leur perfidie et leur trahison si je déposais ma vie entre leurs mains ; car la reconnaissance