Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/395

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mis totalement et absolument à mes ordres jusqu’à ce qu’ils eussent débarqué sains et saufs dans n’importe quelle contrée je voudrais ; enfin, qu’à cet effet, il m’apporterait un contrat dressé par eux et signé de leur main.

Puis il me dit qu’il voulait d’abord jurer lui-même de ne jamais se séparer de moi tant qu’il vivrait, à moins que je ne lui en donnasse l’ordre, et de verser à mon côté jusqu’à la dernière goutte de son sang s’il arrivait que ses compatriotes violassent en rien leur foi.

Il m’assura qu’ils étaient touts des hommes très-francs et très-honnêtes, qu’ils étaient dans la plus grande détresse imaginable, dénués d’armes et d’habits, et n’ayant d’autre nourriture que celle qu’ils tenaient de la pitié et de la discrétion des Sauvages ; qu’ils avaient perdu tout espoir de retourner jamais dans leur patrie, et qu’il était sûr, si j’entreprenais de les secourir, qu’ils voudraient vivre et mourir pour moi.

Sur ces assurances, je résolus de tenter l’aventure et d’envoyer le vieux Sauvage et l’Espagnol pour traiter avec eux. Mais quand il eut tout préparé pour son départ, l’Espagnol lui-même fit une objection qui décelait tant de prudence d’un côté et tant de sincérité de l’autre, que je ne pus en être que très-satisfait ; et, d’après son avis, je différai de six mois au moins la délivrance de ses camarades. Voici le fait :

Il y avait alors environ un mois qu’il était avec nous ; et durant ce temps je lui avais montré de quelle manière j’avais pourvu à mes besoins, avec l’aide de la Providence. Il connaissait parfaitement ce que j’avais amassé de blé et de riz : c’était assez pour moi-même ; mais ce n’était pas assez, du moins sans une grande économie, pour ma famille, composée alors de quatre personnes ; et, si ses compatrio-