Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/411

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— « Eh bien, dis-je, mes deux conditions les voici :

» 1o Tant que vous demeurerez dans cette île avec moi, vous ne prétendrez ici à aucune autorité. Si je vous confie des armes, vous en viderez vos mains quand bon me semblera. Vous ne ferez aucun préjudice ni à moi ni aux miens sur cette terre, et vous serez soumis à mes ordres ;

» 2o Si le navire est ou peut être recouvré, vous me transporterez gratuitement, moi et mon serviteur, en Angleterre. »

Il me donna toutes les assurances que l’imagination et la bonne foi humaines puissent inventer qu’il se soumettrait à ces demandes extrêmement raisonnables, et qu’en outre, comme il me devrait la vie, il le reconnaîtrait en toute occasion aussi long-temps qu’il vivrait.

— « Eh bien, dis-je alors, voici trois mousquets pour vous, avec de la poudre et des balles ; dites-moi maintenant ce que vous pensez convenable de faire. » Il me témoigna toute la gratitude dont il était capable, mais il me demanda à se laisser entièrement guider par moi. Je lui dis que je croyais l’affaire très-chanceuse ; que le meilleur parti, selon moi, était de faire feu sur eux tout d’un coup pendant qu’ils étaient couchés ; que, si quelqu’un, échappant à notre première décharge, voulait se rendre, nous pourrions le sauver, et qu’ainsi nous laisserions à la providence de Dieu la direction de nos coups.

Il me répliqua, avec beaucoup de modération, qu’il lui fâchait de les tuer s’il pouvait faire autrement ; mais que pour ces deux incorrigibles vauriens qui avaient été les auteurs de toute la mutinerie dans le bâtiment, s’ils échappaient nous serions perdus ; car ils iraient à bord et ramèneraient tout l’équipage pour nous tuer. — « Cela étant, dis-je, la nécessité confirme mon avis : c’est le seul