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loupe cinglait avec ce que nous appelons une voile d’épaule de mouton[1], qu’on amurait sur le faîte de la cabine, qui était basse et étroite, et contenait seulement une chambre à coucher pour le patron et un ou deux esclaves, une table à manger, et quelques coffres pour mettre des bouteilles de certaines liqueurs à sa convenance, et surtout son pain, son riz et son café.

Sur cette chaloupe, nous allions fréquemment à la pêche ; et comme j’étais très habile à lui attraper du poisson, il n’y allait jamais sans moi. Or, il advint qu’un jour, ayant projeté de faire une promenade dans ce bateau avec deux ou trois Maures de quelque distinction en cette place, il fit de grands préparatifs, et, la veille, à cet effet, envoya au bateau une plus grande quantité de provisions que de coutume, et me commanda de tenir prêt trois fusils avec de la poudre et du plomb, qui se trouvaient à bord de son vaisseau, parce qu’ils se proposaient le plaisir de la chasse aussi bien que celui de la pêche.

Je préparai toutes choses selon ses ordres, et le lendemain au matin j’attendais dans la chaloupe, lavée et parée avec guidon et flamme au vent, pour la digne réception de ses hôtes, lorsque incontinent mon patron vint tout seul à bord, et me dit que ses convives avaient remis la partie, à cause de quelques affaires qui leur étaient survenues. Il m’enjoignit ensuite, suivant l’usage, d’aller sur ce bateau avec le Maure et le jeune garçon pour pêcher quelques poissons, parce que ses amis devaient souper chez lui, me recommandant de revenir à la maison aussitôt que j’aurais fait une bonne capture. Je me mis en devoir d’obéir.

Cette occasion réveilla en mon esprit mes premières idées de liberté ; car alors je me trouvais sur le point d’avoir

  1. Shoulder of mutton sail. — Voile aurique.